Eh ben, 3 jours de suite des articles dessus. Le sujet passionne !
Manufacture des tabacs : une nécessaire aide à la décision
La manufacture des tabacs, site d’un hectare et demi « à l’ombre de la cathédrale », suscite des convoitises. Il est question d’y installer un pôle universitaire de recherche européen autour des Géosciences. Pour avoir toutes les cartes en main, la CUS va lancer une étude de grande ampleur, avant de décider de son devenir et d’opter pour un projet de reconversion.
Si le dossier a fait parler à l’extérieur de l’hémicycle, il en a été de même hier en conseil de CUS, où un grand nombre d’élus n’avaient qu’un mot à la bouche : « Attention ! ». Tous ont peu ou prou rappelé que le site de l’ancienne manufacture des tabacs est stratégique, qu’il ne faut pas prendre de décision à la légère, vu les enjeux et son histoire.
350 000 euros d’étude
À commencer par le président de la CUS Jacques Bigot : « Le site, qui appartient toujours à Imperial Tobacco, est inoccupé depuis juin 2010. Il s’agit de déterminer sa ou ses vocations et les modalités pour les mettre en œuvre, la direction que la collectivité entend lui donner ».
Parmi les pistes de programmation qui ont émergé, il y a l’implantation d’un pôle de Géosciences sur 16 000 m², soit plus de la moitié du site, qui pourrait être l’élément central, sur lequel pourraient se greffer d’autres activités . Notamment « un lieu ouvert en direction d’un hébergement touristique, social, ou solidaire ».
La première étude de fond devra donc permettre de « cadrer le projet complexe qui s’annonce tant sur la problématique urbaine, que la sensibilité au patrimoine, pour définir la faisabilité, un diagnostic technique, un concept à définir, et des scénarios alternatifs. Cette première étude étant évaluée à 190 000 euros. Les études optionnelles se montant quant à elles à 160 000 euros ».
« Ne pas laisser le privé dicter les besoins de la collectivité »
Alain Jund a lui aussi fait part de son souci de « ne pas laisser un promoteur privé dicter les besoins à venir de la collectivité », a-t-il mentionné, sans citer Scharf Immobilier (qui s’est exprimé dans les DNA d’hier), dans ce site historique du quartier – 160 ans d’activité –, « détenu par un fonds de pension » et « dont nous ne pouvons pas rater la mutation ».
Etant donné que le plan d’occupation des sols « ne sera pas modifié, avant la finalisation et la formalisation du projet », selon la volonté du maire, a rappelé Alain Jund, la puissance publique garde la main sur ce dossier, a-t-il indiqué. L’adjoint à l’urbanisme strasbourgeois, a ajouté qu’il souhaitait que la « mémoire du lieu » reste intégrée au futur projet, que cette étude soit « ouverte » – pour n’exclure aucune hypothèse émise par les acteurs locaux, via un « débat public ». Enfin, « il ne s’agit pas de construire tout, tout de suite et à tout prix » , a-t-il martelé.
« Effrayée par une nouvelle PMG… »
« J’ai été effrayée quand j’ai lu qu’il pourrait y avoir une nouvelle place du Marché-Gayot », a déclaré, pour sa part Michèle Seiler, adjointe du quartier, qui a dit recevoir beaucoup de personnes se plaignant du bruit dans le quartier. « Il faut éviter d’en rajouter, dans l’intérêt des habitants du quartier. » D’ailleurs, a-t-elle poursuivi, « le conseil de quartier (CoQ) et les associations ont produit un cahier des attentes » dans lequel ont été répertoriées les priorités.
« C’est réjouissant de voir que l’université s’intéresse à ce lieu », a pour sa part mentionné Eric Schultz, qui a relevé les trois directions du « cahier des attentes » du CoQ – qui s’était autosaisi du dossier. À savoir : « un lien vers le social, l’intégration d’un équipement public et le volet logement ». Et le conseiller municipal strasbourgeois de soulever le risque de « spéculation immobilière qui pousse les personnes âgées, qui, après avoir vécu pendant 40 ou 50 ans dans le quartier, sont obligés de le quitter pour vivre en périphérie ». Il faut rester « vigilant à l’équilibre sociologique dans le quartier – véritable village en bordure de centre-ville ».
« On ne sait pas qui pilote… »
Fabienne Keller, en revanche a peu goûté la teneur de cette délibération, qui selon l’ex-maire de Strasbourg, n’est pas assez explicite: « On ne sait pas qui pilote. […] Pour 350 000 euros, ce n’est pas une petite étude… », a-t-elle ajouté. Eric Amiet, maire de Wolfisheim, a pour sa part dénoncé le procédé qui consiste à « faire payer cette étude par la CUS », et non par la Ville de Strasbourg. Et ce, en raison « d’un vague dispositif au pôle universitaire ». Même si « le bâtiment est important, pourquoi n’y a-t-il pas eu de subvention versée pour les études du Fort Kléber ? Pour moi, c’est deux poids, deux mesures ! », s’est-il plaint auprès du président de la CUS.
Réponse de Jacques Bigot : « C’est exactement le même dispositif que pour les schémas directeurs. Mais en aviez-vous fait la demande ? » — Oui, a rétorqué Eric Amiet. « Durant ce mandat ? », a enchaîné le président de la CUS, en sachant que la réponse était non. « Ce n’est pas le problème… », a tenté, un peu embarrassé, Eric Amiet. Sans convaincre.
« Méthode de la co-construction »
Quoi qu’il arrive, « la collectivité garde la main », a désamorcé Roland Ries, qui a plaidé pour une « méthode de co-construction, comme pour le projet Malraux-Seegmuller. Je suis content que le CoQ se soit autosaisi du dossier. Maintenant nous avons besoin d’une aide à la décision car différentes options existent sur le site, ainsi que celui de l’ENGEES s’il est libéré. » Mais, a souligné le maire de Strasbourg, « si la Ville et la CUS contribueront au projet, et que l’Université aura sa partie, ce projet ne sera purement public. »
Ajoutant par ailleurs que « la mémoire sera préservée dans la prochaine configuration », tout comme « la maîtrise publique du dossier », qu’il y aura une ouverture mais « pas une place du Marché-Gayot bis, qui pose suffisamment de problèmes »… Enfin, le « comité de pilotage veillera à ce qu’il n’y ait pas de rupture de l’équilibre social du secteur ».
La délibération a été adoptée (sept abstentions, dont Fabienne Keller, Marc Merger et Eric Amiet).
Philippe Dossmann
http://www.dna.fr/fr/strasbourg/info/57 ... a-decision