Communauté urbaine de Strasbourg Projet de tram sur pneus Une technologie controversée
Le tram sur pneus, notamment fabriqué par Lohr industries, rencontre un certain succès. Une telle technologie est envisagée à Strasbourg pour relier la zone commerciale de Vendenheim à Koenigshoffen via un tour autour de la place des Halles. Mais le Translohr ne manque pas de détracteurs…
Dans plusieurs villes italiennes (Padoue, Mestre…), un tram sur pneus de type Translohr circule. En France, on le trouve à Clermont-Ferrand où le pneumatique (usines Michelin) a son importance. C’est aussi à Clermont-Ferrand qu’un certain Roland Ries, pas encore maire de Strasbourg, mais consultant en réseaux de transports en commun (société 2R Consultants) a conseillé la ville dès 2003 pour la mise en place de son tramway.
Parfois, le tram sur fer peut être moins onéreux que le tram sur pneus…
Non loin de Strasbourg, le tram sur pneus de Nancy est construit par Bombardier et la technologie en est sensiblement différente de celle du Translohr. C’est également le cas du tramway de Caen en Normandie. Ces deux réseaux ont connu quelques désagréments, on se souvient des débuts mouvementés du tram nancéien.
La technologie « tram sur pneus » est préférée à celle du classique « tram sur fer » (qui roule déjà à Strasbourg) parce qu’elle se révélerait moins onéreuse à l’investissement. Toutefois, un récent (novembre 2010) rapport de la cour des comptes sur le réseau de transport francilien donne une fourchette de prix de 27 à 34 millions d’euros par kilomètre de ligne pour le « tram sur pneus » et de 28,5 à 59 millions pour le tram sur fer. Il y a donc des cas où le tram sur fer serait moins cher…
Pour l’élu écologiste de Schiltigheim Denis Maurer, également conseiller communautaire, ce surcoût pourrait apparaître dans le cas strasbourgeois, car l’implantation d’un tram sur pneus « doublonnerait » avec l’existant («sur fer »). Ainsi, boulevard Wilson, la ligne de tram sur pneus doublerait une ligne de tram sur fer déjà existante. Ce choix serait donc selon lui « au détriment des usagers et des contribuables ». M. Maurer va dans le sens du rapport de la cour des comptes, encore lui : « L’avantage des tramways n’est pas toujours évident par rapport à des bus en site propre ». Un bon vieux bus peut parfois être tout aussi efficace et écologique, et moins cher qu’un tram, à partir du moment où il bénéficie d’une voie réservée.
En région parisienne, les projets de tramway Châtillon-Vélizy-Viroflay et Saint-Denis-Garges-Sarcelles ont été voulus de technologie « pneumatique » par la RATP. Et la cour des comptes a pointé (pourtant) « les importantes réserves techniques et financières » qu’avait émises la régie parisienne. Encore une fois, des administrateurs de la RATP ont critiqué « le manque de fiabilité de la technologie tramway sur pneus et sa vitesse commerciale, comparable à celles de bus en site propre, pourtant nettement moins onéreux ».
Un audit sévère à Clermont
Mais c’est à Clermont-Ferrand que, ces jours derniers, la technologie « tram sur pneus » a été le plus bousculée. Un audit-sécurité demandé « sur injonction du préfet » du Puy-de-Dôme, a été réalisé, selon nos confrères de « La Montagne », qui en dévoilent les grandes lignes dans leur édition du 30 septembre dernier. Cet audit souligne que « le niveau de sécurité du système en l’état actuel ne répond pas au niveau de sécurité tel que défini par le dossier de sécurité lors de la mise en place du tramway ». De surcroît, « les systèmes de sécurité basiques (guidage, freinage et roulement) n’étaient plus en mesure de remplir leur mission », appuie encore l’audit, relevant que l’état des rames justifiait leur immobilisation immédiate. L‘audit, enfin, dénonce la quasi-absence d’« échanges entre l’exploitant (T2C) et le constructeur (Translohr), alors même que ces échanges existent partout ailleurs.
À Clermont, en décembre 2009, un « déguidage », lié à un défaut d’organe de freinage, avait occasionné un incendie. En janvier 2011, à la suite d’un déraillement, un tram avait heurté un muret. Denis Maurer, comme d’autres à Strasbourg, s’inquiète d’un choix « préalable » du Translohr. Certes, c’est une entreprise locale, dont la maison-mère, Lohr Industries, connaît actuellement quelques difficultés. Mais le choix de cette technologie condamnerait la CUS, selon ses détracteurs, à être dépendante d’un seul fournisseur. « Lohr peut pratiquer les prix qu’il veut, dit M. Maurer. C’est pénalisant pour les contribuables. Et le tram classique type Alstom est construit aussi dans la région. »
Il reste que le tram sur pneus conçu par Lohr bénéficie de nombreux avantages : il dispose d’un rayon de braquage bien supérieur à un tram sur fer, il est infiniment moins bruyant et capable de franchir des pentes plus importantes, même si, en revanche, l’usure des pneus finit par coûter cher, assurent les spécialistes
http://www.dna.fr/edition-de-strasbourg ... ntroversee
« Une guerre de religion »
Pour Jean-Philippe Lally, directeur général de la CTS, la controverse à propos du tram sur pneus s’apparente à une « guerre de religions » où les tenants d’un système rejetteraient l’autre. Il y voit aussi, peut-être, le poids de « lobbies qui ont intérêt à ce qu’on ne fasse que du ferroviaire ».
M. Lally bat en brèche l’argument selon lequel la CTS pourrait éprouver des difficultés à gérer un troisième mode de transport (après le tram et le bus): « Le tram sur pneus ne nous angoisse pas plus que cela ». Bien plus, le Translohr (ou un concurrent) présente l’avantage de pouvoir être entretenu comme un bus classique. « On connaît bien cette technologie du pneu [la CTS exploite un parc de 250 bus classiques, NDLR]. Nos ateliers s’y prêtent bien, il y a des travées pour y disposer des bus articulés. »
Le Translohr présente également un encombrement moindre qu’un tram classique, il peut passer sur des artères existantes et, comme le bus, emprunter le passage dénivelé devant les Halles. Il ne stérilise pas totalement une rue de façade à façade, ce qui présente un avantage pour la route de Souffelweyersheim. Il est aussi moins onéreux : « 150 millions d’euros pour 15 kilomètres de ligne, c’est moins que le tram classique ». S’il faut prévoir d’acheter des pneus pour ce type de système, le tram sur fer ne coûte pas rien non plus en entretien : compter 1,2 million d’euros chaque année pour les « bandages de roues » des 94 trams actuels, et rajouter « 2 à 3 millions d’euros » supplémentaires pour l’entretien des rails. Enfin, concernant le fameux tour des Halles, les études montrent que c’est tout à fait faisable, puisque le tram sur pneus s’insère comme un bus. Rappel : la CTS devrait choisir un « sous-traitant », qui pourrait être Lohr Industries, avec lequel elle monterait un « contrat de partenariat » pour exploiter la ligne.
Jean-Philippe Lally sera l’invité du «tchat» DNA le mardi 8 novembre à 18 h 30, pendant une heure. Il sera possible d’échanger directement avec lui et de lui poser des questions. Rendez-vous sur
www.dna.fr.
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