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À trois mois du référendum sur le projet de « collectivité territoriale d’Alsace », coup de sonde dans deux communes homonymes et presque voisines : la haut-rhinoise Kientzheim et la bas-rhinoise Kintzheim.
Quand on arrive à Kientzheim, dans le canton de Kaysersberg (777 habitants au recensement de 2008), on tombe d’emblée sur un porte-parole de Philippe Richert, qui manie aussi bien la pelle que les arguments de bon sens du promoteur du conseil unique. « On sera plus forts tous ensemble, si on ne parle plus de Haut-Rhin et de Bas-Rhin, mais tout simplement d’Alsace », estime Christian Dietsche, 49 ans, employé depuis sept ans par la commune, en train de ramasser les vestiges du Réveillon. « Il faut tout rassembler, il y aura moins d’élus payés à ne rien faire. Ça coûtera moins cher, ajoute-t-il. Mais chacun veut sauver son casse-croûte, les élus du Haut-Rhin ne vont pas se laisser faire. J’irai voter pour, mais je pense que l’affaire va capoter. »
« Ce sera un modèle à suivre pour les autres régions »
Est-ce parce qu’il est originaire de Sélestat que Christian Dietsche penche pour le « oui » au référendum ? « Nous, on est contre, sauf si le siège est à Kientzheim ! », plaisantent ses collègues. À leurs côtés, Patrick Peter, 59 ans, conseiller municipal, se dit « pas chaud », malgré son accord de principe. Craignant une concentration des pouvoirs à Strasbourg, il attend des précisions sur la répartition des rôles et s’inquiète pour les emplois, l’avenir des fonctionnaires des collectivités appelées à disparaître. « Certains élus pourraient y laisser des plumes », remarque-t-il.
Ancien adjoint au maire et correspondant de L’Alsace, Yvan Hobel salue en effet « le courage politique » qu’implique le passage au conseil unique, qu’il soutient. Il critique le « mille-feuille » actuel et souligne « la référence » que va devenir l’Alsace grâce à cette réforme.
C’est aussi un des arguments de Thierry Christal, 36 ans, comptable à la cave vinicole de Kientzheim-Kaysersberg : « J’irai voter oui, et si celui-ci l’emporte, les Alsaciens feront figures de précurseurs. Ce sera un modèle à suivre pour les autres régions. Sur le principe, je pense que les gens sont plutôt favorables. Évidemment, il y a des problèmes pratiques, d’organisation, la question du qui aura quoi : chaque département aura du mal à lâcher quelque chose. »
Pour ce Vosgien d’origine, « il y a toujours des différences entre les Haut-Rhinois et les Bas-Rhinois, mais c’est surtout de l’ordre de la plaisanterie. »
Pas si sûr, à écouter Brigitte, 51 ans, employée au Champ de blé, la petite épicerie du centre-ville : le 7 avril, elle votera « non à 200 % », pour s’opposer à la disparition du département 68. « La mentalité bas-rhinoise est différente, il y a quelque chose de, comment dire, hautain chez eux. En plus, l’accent et la prononciation de l’alsacien sont différents d’un département à l’autre », observe cette habitante de Munster. « Je pense que ma position reflète bien celle de l’ensemble des Haut-Rhinois. On en a parlé pendant les fêtes, la plupart des gens de mon entourage sont contre. » Pour elle, « la négociation avec les Bas-Rhinois a été trop rapide, Charles Buttner a cédé trop facilement. Ça aura certainement des conséquences sur le vote des Haut-Rhinois… »
En remontant la Grand-rue, on croise une employée du Domaine Paul Blanck, visiblement très pressée, qui n’a que le temps de lâcher qu’elle est contre, elle aussi. Tout comme Catherine Schwartz, 32 ans, gérante de l’hôtel L’Abbaye d’Alspach, qui s’apprête à fermer après un mois de décembre très chargé. « Ce conseil unique, ce n’est pas un plus, explique cette enfant du village. Il y aura tout pour Strasbourg, comme d’habitude. Les Haut-Rhinois vont se faire avaler. »
Au restaurant Côté Vigne, nos questions font apparaître le désaccord entre Thomas et Marie-Charlotte Schertenleib, les jeunes patrons, qui, à l’évidence, n’avaient pas passé leur temps libre à débattre du projet de conseil unique.
Originaire de Rantzwiller, du côté de Sierentz, lui est d’accord sur le principe : « Ça fera moins de frais. Et de toute façon, nous faisons partie d’une même région, nous parlons le même dialecte, on communique du nord au sud… » Native de Kientzheim, fille de vignerons, Marie-Charlotte est d’un tout autre avis : « Ça se passe bien comme ça, ne touchons à rien. » S’interrogeant sur l’avenir du Haut-Rhin, elle ira donc voter « non », tandis que lui n’ira probablement pas voter du tout : « Le dimanche, on travaille, et je suis toujours inscrit sur les listes électorales de mon village d’origine… »
Rappelons que, pour que le conseil unique devienne une réalité, le « oui » devra l’emporter dans chacun des deux départements alsaciens, en dépassant le seuil de 25 % des inscrits.
Impression défavorable
Cela n’a valeur ni d’enquête, ni de sondage. Après avoir rapporté en détail, l’an dernier, le développement du projet de conseil unique, ou « collectivité territoriale d’Alsace » – les enjeux, les débats entre élus, les querelles de clochers –, nous avons voulu recueillir le témoignage de quelques-uns des citoyens qui seront appelés à trancher la question, le 7 avril prochain, par référendum. Plutôt que d’opposer les contraires, nous avons choisi deux communes du centre de la région, proches, ouvertes, vivant de la vigne et du tourisme, simplement séparées par la frontière entre les deux départements menacés de disparition. Une frontière qui pourrait bien sortir renforcée par les résultats du vote populaire, si les élus, majoritairement favorables au projet, ne renversent pas, au cours de la campagne à venir, la tendance qui se dégage de ces quelques échos perçus dans le Haut-Rhin.
le 04/01/2013 à 05:00 par Textes : Olivier Brégeard, Photos : Thierry Gachon
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Changement de décor et d’atmosphère à Kintzheim, Bas-Rhin, une vingtaine de kilomètres plus au nord, à vol d’oiseau. Ici, la population est deux fois plus nombreuse, la Route des Vins traverse la commune au lieu de la contourner, mais on s’y arrête peut-être moins.
En ce 2 janvier, Francis Weyh, maire depuis 1989, peaufine, dans son bureau, les vœux qu’il prononcera dans la soirée. Il a prévu, entre autres, de parler de « l’interdépartementalité » : « Cela fait des années que nous travaillons avec les communes haut-rhinoises voisines, pour le développement touristique, mais aussi économique (NDLR : un terrain destiné à accueillir des entreprises a été acquis grâce au concours de la communauté de communes du Val d’Argent). C’est une amitié systématique. Je suis donc totalement favorable à cette évolution, déjà inscrite dans les faits. » Sur la question du siège (ou des sièges), il prône le bons sens : « Si j’osais, je dirais qu’on aurait pu choisir l’Alsace centrale. Mais puisqu’il est question de rationaliser, il est logique d’utiliser les bâtiments existants, ceux du conseil régional et du conseil général du Haut-Rhin. Le siège à Colmar ne me choquerait pas. Ici, on est ouvert… »
Au hasard des rencontres, ses concitoyens ne démentent pas cette analyse. En promenade, Marinette Frey, 70 ans, née à Kintzheim, et sa sœur Nicole, 63 ans, qui habite à Saint-Hippolyte, sont toutes deux favorables au conseil unique : « Ce sera plus pratique pour faire les lois, il y a trop de doublons, cela simplifiera aussi la gestion. »
Héritier d’une famille présente dans le village depuis plus de quatre siècles, Frédéric Jenny, 36 ans, patron du restaurant qui porte son nom, est lui aussi favorable au projet, mais souhaite en savoir plus sur le fonctionnement futur de l’institution : il en attend des économies, des simplifications, une dynamique plus grande. « La région sera plus forte avec une seule collectivité », renchérit son père, Fernand, 63 ans, qui se demande juste s’il y aura assez de votants au référendum…
En cuisine, le chef règle la question d’une boutade : « Je suis pour si on économise 150 millions d’euros et si on paie moins d’impôts ! » Sa collègue serveuse, Anne, 44 ans, de Kogenheim, n’a rien contre le conseil unique, mais elle ne vote jamais : « Les élus ne font rien pour les gens qui travaillent », justifie-t-elle. Anne pense que les Haut-Rhinois rechigneront à soutenir le projet. « C’est sûr que ceux du Haut-Rhin ne vont pas être contents, abonde, dans la rue, une mère de famille quadragénaire. Ils disent toujours qu’ils peuvent faire sans les autres, qu’ils font mieux que les autres. On n’est peut-être pas assez bien pour eux. »
Est-ce un hasard si la seule voix que nous entendons s’opposer au conseil unique, à Kintzheim, est celle d’une sexagénaire originaire du… Haut-Rhin, qui vit ici depuis plus de 40 ans ? Elle dit qu’elle ira voter, mais plutôt non, préférant le statu quo et le maintien d’une distinction entre les deux départements.
« Bien sûr, les Haut-Rhinois ont peur de se faire bouffer par les Bas-Rhinois, admet Francis Weyh. Mais la Route des Vins, le Haut-Koenigsbourg, c’est l’Alsace, pas le Haut-Rhin ou le Bas-Rhin ! » Le maire, qui a des origines haut-rhinoises par sa mère et a enseigné durant quarante ans au collège de Kaysersberg (mais peine à se souvenir du nom du président du conseil général 68…), croit donc à un « oui » franc et massif le 7 avril. Même si, après réflexion, il se demande « comment voteront les gens de Wissembourg ou du fin fond du Sundgau… »
« Voter, pourquoi pas, conclut une habitante, mais ça ne changera pas notre vie. Si vous croyez que cette fusion va permettre de réaliser des économies, que l’on paiera moins d’impôts… »
le 04/01/2013 à 05:00
Pitié ! Evoluons un peu, sortons de ces querelles de clochers 67 contre 68 ! Rien (ou si peu) ne sépare une commune du Bas-Rhin et une commune de Haut-Rhin. Les petites querelles sont aujourd'hui des plaisanteries faites pour taquiner le voisin. Quand je lis que les Bas-Rhinois sont... hautains ça me fait bien rire. Kevin, Vivien et les autres vous êtes vraiment comme ça ?!
L'emplacement du siège ? je m'en fous royalement pour une raison très simple: si les pouvoirs sont partagés entre les 3 villes aucune n'écrasera l'autre et aucune ne sera lésée.
Ce qui m'importe c'est le partage équitable des pouvoirs, les modifications qui seront apportées et les économies que l'on peut faire.
Enfin je conteste la qualité de cet article. Demander l'avis des gens dans deux communes viticoles, une dans le 67 et une dans le 68 c'est un peu court. Ces patelins ont tendance à être conservateurs. Les habitants des grandes villes, du Sundgau ou d'Alsace Bossue ont certainement des points de vue différents.