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La collectivité unique : une singularité alsacienne qui pourrait servir de modèle
S’il voit le jour, le conseil unique ne sera pas que la somme des trois collectivités fusionnées. Il aura des compétences en plus, dont une « capacité d’adaptation réglementaire ». A priori, ça ne menacera pas la République. Ça pourrait même l’inspirer…
Un changement majeur, pas une révolution. Dans l’esprit des promoteurs de la collectivité unique, il ne s’agit pas de faire franchir à l’Alsace un palier tel qu’il la conduirait à un certain degré d’autonomisme, ni même de fédéralisme ; tout ceci s’inscrira évidemment dans le cadre de l’actuelle République. Mais on gravirait tout de même une marche jamais atteinte dans l’évolution non seulement de la région, mais aussi de l’État français.
En amont ou en aval
La collectivité territoriale d’Alsace (CTA), ainsi que l’appellent aujourd’hui les textes officiels, entend rester relativement modeste sur les compétences qu’elle pourra revendiquer. Il n’empêche : celles-ci excéderont forcément la somme des compétences actuelles des trois collectivités (la Région et les deux Départements) fusionnées.
Elle bénéficiera non seulement des compétences transférées dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation, sur lequel travaille le gouvernement, mais aussi de compétences spécifiques (notre édition du 2 mars).
Les documents rendus publics listent un certain nombre de domaines pour ces « nouvelles compétences ». Les plus notables sont les langues régionales (voir ci-dessous) et la coopération transfrontalière. Bien d’autres thématiques (économie, culture, logement…) semblent déjà traitées par les trois collectivités, mais elles pourront l’être de façon plus approfondie. Le conseil unique serait ainsi plus présent en matière d’aides aux entreprises en difficulté ou gérerait les aides à la pierre en complémentarité avec les agglomérations.
Mais l’innovation annoncée la plus spectaculaire consiste en l’obtention d’une « capacité réglementaire permettant d’adapter l’action publique aux spécificités de l’Alsace ».
Que les choses soient claires : il ne s’agit pas de donner à la collectivité un pouvoir législatif, comme l’Alsace a pu en disposer durant la période allemande, entre 1874 et 1918, et comme en disposent le Bade-Wurtemberg ou la Polynésie française. « Ce n’est pas d’actualité, et ça nécessiterait d’ailleurs une révision de la constitution de 1958 » , précise Éric Sander, secrétaire général de l’Institut du droit local (IDL) alsacien-mosellan.
Mais cette capacité réglementaire, elle, sera bien compatible avec l’actuelle constitution. Elle pourrait s’exercer en amont ou en aval, non sur les questions régaliennes ou les finances publiques, mais sur les domaines de compétences du conseil unique. En amont (c’est ce que l’on appelle « l’initiative en matière législative » ), le gouvernement pourrait être saisi par la collectivité afin d’intégrer une disposition propre à la région dans un projet de loi (ce qui se pratique aujourd’hui par lobbying…) ; en aval, la collectivité pourrait adapter elle-même les règlements, dans le respect bien sûr des lois de la République.
Ce nouveau pouvoir offrirait par ailleurs l’avantage pour la collectivité de créer des schémas régionaux qui puissent s’imposer ; aujourd’hui, ce ne sont « que » des documents de référence, pour ne pas dire des vœux pieux. Et elle pourrait aussi, dans le cadre de la coopération transfrontalière, signer des accords internationaux, en représentant l’État, avec les collectivités suisses ou allemandes. Ce qui offrirait d’autres perspectives de développement économique.
Accords internationaux
S’il ne s’agit donc pas de prendre son indépendance, on peut malgré tout considérer que cette évolution serait un coin enfoncé dans le jacobinisme invétéré de l’État français. Or, « le gouvernement voit d’un bon œil ce projet , estime Éric Sander. Il pourrait même en faire un modèle pour le reste du territoire ». Certes, il existe sans doute dans les ministères des réticences à passer du règne de l’uniformité à celui des exceptions, mais si le référendum est positif et l’expérience concluante, on peut imaginer que des articles du texte de loi qui préciseront les modalités du conseil unique pourront être repris ailleurs. Car il n’y a pas qu’en Alsace qu’il convient de se demander s’il ne serait pas temps de simplifier le mille-feuille administratif.
le 16/03/2013 à 05:03 par Hervé de Chalendar