Bon, les DNA ont fait un petit point il y a quelques temps, sur nos voisins allemands. L'occasion de débattre un peu sur le sujet.
N'oublions pas que la région avait fait part de son envie de tester la concurrence à l'horizon 2014. Après, avec le changement de gouvernement, on a plus trop de dates...
L’ouverture à la concurrence des trains régionaux : un régime de libre accès limité
Les quatre lignes secondaires desservies par les trains de l’Ortenau-S-Bahn (OSB), filiale du groupe de transport privé SWEG, ont toutes comme point de départ ou d’arrivée la gare d’Offenbourg. Photos DNA - Marc Rollmann
Les quatre lignes secondaires desservies par les trains de l’Ortenau-S-Bahn (OSB), filiale du groupe de transport privé SWEG, ont toutes comme point de départ ou d’arrivée la gare d’Offenbourg. Photos DNA - Marc Rollmann
Quinze ans après la réforme du rail en Allemagne, une dizaine d’opérateurs se partagent l’exploitation des dessertes régionales dans le Bade-Wurtemberg. Alors que le trafic a sensiblement augmenté, la DB reste néanmoins le principal acteur du secteur avec 72 % des parts de marché.
En matière de transport ferroviaire régional de voyageurs, les modes d’organisation diffèrent sensiblement d’une rive à l’autre du Rhin. Côté français, où le monopole de la SNCF reste de mise, le ministre des Transports doit présenter ce mardi les grands axes de son projet de réforme.
S’il suit les recommandations du rapport présenté en 2011 par le sénateur bas-rhinois Francis Grignon, l’ouverture à la concurrence des TER ne devrait pas se concrétiser de manière expérimentale, avant 2014. Soit cinq ans avant qu’elle ne soit rendue obligatoire par l’Union européenne.
Il y a bien longtemps que ce pas a été franchi en Allemagne où la « libéralisation des services ferroviaires régionaux » est dans certains Länder effective depuis plus de dix ans.
Sa mise en œuvre à partir de 1996 découle d’une loi fédérale votée trois ans plus tôt, qui avait également fait des Länder et syndicats intercommunaux concernés les autorités organisatrices (AOT) et les financeurs du secteur.
« L’autorité a le choix du prestataire mais si ce dernier obtient le contrat, il sera le seul sur la ligne concernée»
Cette loi était assortie d’une possibilité de mise en concurrence progressive. Dans le Bade-Wurtemberg, la coalition CDU-FDP de l’époque a immédiatement saisi la balle au bond. Une société publique (NVBW, Nahverkehrsgesellschaft Baden-Württemberg) a été créée à Stuttgart pour assister le ministère des Transports en matière de planification, de cadencement, d’information du public et de coordination des nouveaux opérateurs et des autorités locales.
L’organisation du système ferroviaire régional qui en a résulté a pris le nom d’une « marque » publique (3-Löwen-Takt) dont le logo se retrouve sur les trains relevant du service régional.
La NVBW s’occupe également des procédures d’appel d’offres. Clé de voûte du système, elles permettent, pour les dessertes ou lots de dessertes choisies, d’en désigner l’exploitant pour une durée contractuelle établie (de 7 à 10 ans en moyenne).
L’Allemagne est ainsi l’un des rares pays de l’UE dont le « libre accès » des opérateurs ferroviaires alternatifs au réseau régional est actif : « Fret ou voyageurs, tout le marché est ouvert. On se trouve là dans un cas où la concurrence a lieu pour le marché », observe un rapport du Sénat français en 2008.
Décryptage : « L’autorité a le choix du prestataire mais si ce dernier obtient le contrat, il sera le seul sur la ligne ou le groupe de lignes concerné. L’usager n’a ici plus le choix de l’opérateur ». La distribution des billets reste heureusement généralisée : dans les gares, la DB est obligée de vendre les titres des opérateurs concurrents, moyennant toutefois une commission de 15 %. Chaque Land a pu définir son propre calendrier d’ouverture à la concurrence. En 2005, on comptait déjà une vingtaine de réseaux urbains ou lignes « libéralisées » dans le Bade-Wurtemberg (dont Pforzheim-Tübingen, Ulm-Friedrichshafen, etc.) Une dizaine d’opérateurs, DB incluse, se répartissait ces dessertes.
Nouveau système d’attribution des lignes par lots géographiques
Au total, lignes libéralisées et lignes restées sous monopole confondues, les trains de la DB Regio (filiale dédiée de l’opérateur historique) assuraient alors en Bade-Wurtemberg tout de même encore 75 % du trafic (exprimé en kilomètres globalement parcourus). En 2012, selon la NVBW, cette part a légèrement diminué mais reste encore largement prépondérante (72 % ; 76 % à l’échelle fédérale).
Avec 22,6 millions de trains-km, les nouveaux entrants pèsent ainsi 28 % du trafic régional de passagers. Au nombre de onze, ce sont essentiellement des entreprises appartenant aux collectivités locales et dont les noms reflètent les attaches territoriales : Albtal VG, Bodensee-Oberschwaben-Bahn, Breisgau-S-Bahn, Hoenhenzollerische Landesbahn, sans oublier les Chemins de fer suisses (SBB)… Dans d’autres Länder, on trouve d’ores et déjà des opérateurs contrôlés par des groupes privés internationaux comme Veolia Transport ou Keolis (filiale de la SNCF).
Depuis deux ans, le gouvernement de Stuttgart a revu son système d’attribution des lignes. Celles-ci sont désormais regroupées pour constituer 15 sous-ensembles géographiquement cohérents qui feront chacun l’objet d’un appel d’offres. On y trouve par exemple le « réseau numéro 8 », à savoir un lot de quatre lignes irriguant l’Ortenau (dont Offenbourg-Kehl/Strasbourg) pour lequel un projet d’appel d’offres portant sur la période 2014-2021 a été publié à l’été 2011.
Ces lignes sont actuellement exploitées par Ortenau-S-Bahn, une filiale du groupe de transport privé SWEG basé à Lahr. Ce dernier, qui entretient son propre parc de 40 rames, espère bien les conserver.
Faire tomber dans son escarcelle la ligne Karlsruhe-Constance (252 km), connue sous le nom de Schwarzwaldbahn, à l’occasion du prochain appel d’offres sera en revanche chose plus ardue : cette dernière, exploitée depuis 2007 par DB-Schwarzwaldbahn, une filiale de DB Regio, fait figure de modèle outre-Rhin avec un gain en deux ans de 33 % de voyageurs entre Karlsruhe et Offenbourg et de 27 % entre Offenbourg et Constance.
« Des guichets ont été rouverts, des locomotives et des voitures à double niveau neuves ont remplacé un matériel datant des années 60, on a maintenu la possibilité d’achat du billet auprès des contrôleurs, un service de bus à la demande a été mis en place dans certaines gares, la correspondance avec les cars a été optimisée, etc. », résume avec admiration Frank-Detmar Passlick, un ingénieur de Rastatt qui l’emprunte quotidiennement depuis plus de 30 ans.
Au niveau national, comme l’atteste une enquête nationale publiée en 2009 par l’autorité fédérale de contrôle des réseaux, la réforme ferroviaire a produit des effets jugés positifs.
Cela vaut à la fois pour le volume d’affaires (+14% entre 2005 et 2008), l’offre de dessertes (+3% par an en moyenne) ou la fréquentation (2,22 milliards de voyageurs en 2008 contre 1,86 milliard en 2002). Seule ombre au tableau : la baisse du nombre d’actifs passé de 149 000 en 2005 à 142 000 en 2008 dans le secteur ferroviaire allemand.
http://www.dna.fr/economie/2012/10/30/u ... ces-limite
Membre de Pro Bahn, association allemande d’usagers du rail, Daniel Gaschick, formateur de 34 ans, en préside la section Rhin supérieur sud. Pour lui et ses collègues de la région de Fribourg-en-Brisgau, le bilan de la réforme du rail est « globalement positif » : « L’ouverture à la concurrence du trafic régional a obligé les opérateurs à se conformer aux exigences de l’autorité organisatrice en matière d’offre et de cadencement et non l’inverse. C’est notamment ce qui s’est passé sur la plupart des lignes secondaires », indique M. Gaschick qui se déplace essentiellement en transports publics.
L’augmentation du nombre de voyageurs, évaluée notamment à 40 % sur la période 2002-2007 dans le Bade-Wurtemberg, en constitue l’un des indicateurs. Les représentants fribourgeois de Pro Bahn conviennent néanmoins que le nouveau système n’a pas réglé toutes les difficultés : « Vu les intérêts divergents du gouvernement fédéral et des Länder, un des grands problèmes du moment porte sur les financements à venir des infrastructures et de l’exploitation. Les économies que l’on espère réaliser à l’occasion des futurs appels d’offres devraient être revues la baisse ! »
L’an passé, le trafic ferroviaire régional en Bade-Wurtemberg a atteint un total de 65,354 millions de trains-km pour lesquels le Land a versé une contribution globale de 598,8 millions d’euros aux différents opérateurs. Soit une « subvention » moyenne de 9,16 euros pour faire rouler un train sur un kilomètre.
Le changement de majorité politique intervenu voilà dix-huit mois à Stuttgart n’a pas été sans impact sur la bonne marche des appels d’offres : « Du nouveau personnel a été nommé qui a voulu tout reprendre à zéro. Les choses ont donc pris du retard », déplore M. Gaschick. Quant au comité d’usagers, institué par le nouveau gouvernement début 2012 pour le conseiller dans ses choix, il n’a pas encore, selon Pro Bahn, produit de résultats concrets.
http://www.dna.fr/economie/2012/10/30/l ... 8BE857374D
Rien n’oblige les Länder à lancer des appels d’offres. Si bien qu’en 2010, seul 30 % du réseau régional allemand avait été mis en concurrence. De plus, les opérateurs alternatifs candidats aux appels d’offres doivent remplir certaines conditions, notamment être en mesure d’investir dans l’acquisition de leur propre matériel roulant. « Ce ticket d’entrée se révèle un des principaux problèmes pour les groupes privés », observe-t-on chez les cheminots CFTC d’Alsace
Par ailleurs, depuis 1994, la DB recrute ses cheminots sous contrat privé. Ceux arrivés avant cette date ont gardé leur statut de fonctionnaire mais ont été transférés dans une structure publique. Celle-ci met son personnel à disposition de l’entreprise aux tarifs du secteur en prenant éventuellement en charge la différence de coût.
http://www.dna.fr/economie/2012/10/30/c ... t-d-entree