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Même si rien n’est encore officiellement acté, l’ouverture d’un magasin Ikea à l’horizon 2015 à Morschwiller-le-Bas apparaît comme acquise aux yeux d’un nombre croissant d’acteurs économiques locaux. Une arrivée saluée par certains, appréhendée par d’autres et sévèrement critiquée par quelques-uns. État des lieux.
Ikea veut s’implanter dans le Sud Alsace ou le Nord Franche-Comté. Qu’on se le tienne pour dit, car c’est l’une des rares certitudes en l’état actuel du dossier. Depuis fin 2010 – date des premiers contacts noués entre le géant suédois du meuble et les élus de Mulhouse Alsace agglomération (M2A), à la faveur du Marché international professionnel de l’implantation commerciale et de la distribution (Mapic) de Cannes –, les choses se sont tout de même suffisamment précisées pour que l’on puisse désormais parler de forte éventualité, avec une date d’ouverture plausible vers la mi-2015. « La venue d’Ikea au sein de la Zac du Parc des Collines est une hypothèse haute » , confirme la maire de Morschwiller-le-Bas, Josiane Mehlen. Plus rapides (ou moins prudents), plusieurs entrepreneurs locaux considèrent d’ores et déjà cette prochaine arrivée comme une certitude – ce qui ne veut pas dire que tous approuvent cette perspective, loin s’en faut. La Chambre d’agriculture du Haut-Rhin, ou Europe Écologie-Les Verts (EELV) ont déjà fait état de vives critiques ( L’Alsace des 13 et 21 avril). Petit tour d’horizon des points acquis, de ceux qui sont encore flous… Et des aspects polémiques du dossier.
La surface de vente maximale autorisée sera de 22 000 m²
L’usage de terres agricoles pour bâtir le futur magasin. C’est LE sujet qui fâche les écologistes et les agriculteurs locaux. « C’est une critique que l’on peut entendre… » , commente sobrement le président de M2A Jean-Marie Bockel. Mais encore ? « Ce souci des terres agricoles est très bien, on a vécu des décennies pendant lesquelles il n’était pas dans l’air du temps, mais là, nous parlons d’une zone économique déjà existante. » Soit. Reste que l’explication est franchement trop courte au goût de Thierry Engasser.
« Sur l’ensemble de l’Alsace , s’élève le président du service Aménagement de la chambre d’agriculture du Haut-Rhin , on nous pique déjà 800 ha de foncier agricole par an, alors maintenant, y’en a marre ! La parcelle de 8,8 ha envisagée fait déjà partie de la Zac, donc je ne peux pas contester que l’on construise dessus. Mais utiliser quatre hectares de terres agricoles supplémentaires, juste pour les futurs accès routiers et l’aménagement paysager du magasin, là, je ne suis pas d’accord . Depuis le Grenelle de l’environnement, l’État recommande d’éviter l’étalement urbain et d’économiser le foncier agricole. Là, on fait exactement l’inverse, avec en plus un parking automobile de surface, plutôt qu’en silo. C’est le Moyen-Âge ! Et puis cette histoire d’intégration paysagère, c’est vraiment le pompon. Qu’est-ce qu’on pourra bien "intégrer" quand le magasin sera là, bleu Gordini pétant et culminant à huit mètres et demi de hauteur ? Si on veut accueillir un magasin Ikea dans l’agglo, qu’on le fasse intelligemment, en l’installant sur une friche commerciale ou industrielle – par exemple sur le site de PSA, qui cherche une solution pour 70 ha de friches ! »
La surface de vente du futur magasin. Allez savoir pourquoi, une rumeur tenace veut que le groupe suédois projette de bâtir à Morschwiller-le-Bas un mastodonte de 32 000 m² de surface commerciale. Pour situer les choses, ce serait presque le double du magasin Ikea de Strasbourg (17 000 m²)… De quoi faire frémir les concurrents du géant suédois, à commencer par le groupe Rapp, le « régional de l’étape » (lire ci-dessous). Une crainte infondée, assure Jean-Marie Bockel : « 30 000 m², c’est le format classique des nouveaux magasins Ikea… Mais avec Jean Rottner, maire de Mulhouse, nous avons demandé l’an passé aux représentants du groupe de réviser un peu leur projet à la baisse et ils nous ont confirmé en avril dernier qu’il le serait. De toute façon, la surface de vente maximale autorisée sur le site de Morschwiller-le-Bas, ce sera 22 000 m². Ce qui ne veut pas dire qu’ils iront jusque-là s’ils viennent s’installer. Peut-être que ce sera un peu moins, 21 000 m² ou 20 000 m²… »
Ce sera un magasin mono-enseigne
La rumeur, évoquée par certains commerçants, d’une galerie marchande intérieure, en plus du magasin Ikea. Thierry Engasser fait partie des personnes inquiètes : « Si on ne veut bâtir qu’un magasin Ikea, il faut qu’on m’explique pourquoi il y a besoin d’utiliser plus de 12 ha de terrain ! Personne n’a été capable de me répondre sur le sujet lors de la dernière réunion des PPA [les « personnes publiques associées », régulièrement consultées sur le projet]. Pour moi, c’est le signe qu’il y a anguille sous roche. En fait, je crains encore pire qu’une galerie marchande : la création, à terme, d’un énorme centre commercial, exactement comme ce qu’Ikea a essayé de faire près de Caen. On est en train de créer un jeu de chaises musicales qui va vider le Kaligone ! » [Près de Caen, un magasin Ikea existe depuis novembre 2011, mais la Commission nationale d’aménagement commercial a retoqué l’an passé l’adjonction d’un hypermarché de 6000 m², accompagné de quinze moyennes surfaces de 1000 m² et 60 boutiques].
Du côté de M2A, le démenti est catégorique : « Jamais il n’a été question d’une galerie ou d’un centre commercial, je suis très surprise d’entendre parler de ça » , confie la maire de Morschwiller-le-Bas Josiane Mehlen. Jean-Marie Bockel complète : « Une galerie marchande, il n’en est pas question ! Le projet est celui d’un magasin mono-enseigne, un peu plus petit qu’à l’habitude, afin d’être adapté à la taille de notre zone de chalandise. Il n’y a pas de difficulté sur ce point avec les représentants d’Ikea et c’est un point auquel nous avons été très attentifs, Jean Rottner et moi, par souci pour des commerces de centre-ville. »
Quel impact sur l’emploi ?
L’impact sur l’emploi. « Un magasin Ikea à Morschwiller-le-Bas, cela signifierait 200 emplois directs ! » , assurait Olivier Becht, président délégué de M2A, lors d’une réunion publique organisée sur le sujet le 10 avril dernier. Un chiffrage maintenu par M2A, mais contesté par Éric Chapus, directeur immobilier du groupe Rapp (lire ci-dessous). Thierry Engasser est lui aussi très remonté contre cet argument de la création d’emplois : « OK, Ikea va créer 200 emplois, mais on va en détruire 300 ou 400 de l’autre côté. »
Réponse, à distance, de Jean Marie Bockel : « Quand le groupe Rapp affirme que l’arrivée d’Ikea aura des effets sur la concurrence, c’est tout à fait juste, mais on ne peut pas calculer aujourd’hui le solde net d’emplois qu’entraînerait l’arrivée d’Ikea. Le cas échéant, il faudra attendre au moins deux ou trois ans après l’ouverture du magasin et ce jour-là – pour peu que la reprise économique soit au rendez-vous – ce sera forcément positif. » Le dieu du commerce puisse l’entendre.